Photographie

Thibaut Cuisset

Campagne française

2010

Quand on regarde les photographies de Thibaut Cuisset, on dirait souvent qu’elles ont été prises un peu au hasard ; on se demande : « pourquoi là et pas plutôt ici » ? Ses raisons d’avoir choisi de planter l’objectif semblent à la fois anodines et mystérieuses. Telle ce qu’on ose à peine appeler une entrée de ferme, dans l’Yonne : est-ce bien une ferme, d’ailleurs et pas plutôt une « chambre d’hôte » ? Et ces outils qu’on voit, sont-ils bien d’un agriculteur ? Tout a l’air si propre, si loin des travaux des champs ! Et surtout, pourquoi choisir une maison aussi banale, aussi peu représentative de quoi que ce soit ? Photographe, on allait dire peintre du paysage, Thibaut Cuisset est aux antipodes des icônes spectaculaires : son regard de paysagiste est celui d’un promeneur clandestin, absolument rétif aux obligations du regard en quête d’un beau sujet. Il ne cherche pas le scoop optique ; ce qu’il cherche discrètement, ce sont les intervalles — encore l’intervalle est-il soumis à un classement, une hiérarchie —, plutôt des fragments de lieu, des coins, des zones de transition qui ne transitent vers nulle part : le monde tel qu’il est dans son ordinaire le moins éclatant.

[…]

Le monde de Thibaut Cuisset est étranger à cette toponymie, à toute légende. Il n’est ni d’un côté ni de l’autre. Ni de chez Swann ni de chez les Guermantes. En somme, il ne s’est rien passé ici de notable. Et si l’on montre encore des vestiges de la « main de l’homme », comme la belle passerelle métallique, résumé à elle seule de l’épopée industrielle, ce n’est pas pour faire acte de mémoire. Ce qu’on voit ici, ce ne sont pas des « lieux de mémoire », ce sont des lieux tout court, parmi d’autres. À peine si ce travail photographique s’apparente aux guets d’un poète comme l’est Philippe Jaccottet, l’auteur merveilleux de la Promenade sous les arbres et d’À travers un verger. C’est que Philippe Jaccottet ne résiste pas aux énigmes que lui proposent les buissons d’aubépine : que veut dire, se demande le poète, cette brève blancheur qui a illuminé ma journée ? Il ne paraît pas que Thibaut Cuisset soit turlupiné par de telles inquiétudes. Montrer, restituer l’insaisissable lumière, c’est déjà beaucoup. Aller plus loin, chercher à faire parler ces arbres immobiles, serait preuve d’une excessive témérité. Laissons donc ces arbres nous regarder un peu comme font, au zoo, les vieux éléphants : ils n’en pensent pas moins, nous n’en saurons jamais rien. Cela vaut mieux, sans doute.

Campagne française
Paimpol, Côtes-d’Armor
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Haute-Loire
Campagne française
Haute-Loire
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Creuse
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L’Aubrac, Lozère
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La Margeride, Lozère
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Aisne
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Loiret
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Le Causse Méjean, Lozère
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Allègre, Haute-Loire
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Ardèche
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Ardèche
Campagne française
Le fleuve Somme
47°00'00.0"N 2°00'00.0"E

Lieu: France

Collection: Galerie Les Filles du Calvaire
Text: Michel Crépu, Thibaut Cuisset, vers le neutre, 2010


Publié: Mai 2018
Catégorie: Photographie

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